samedi, décembre 02, 2006

Québec une nation?

Suite à l'annonce du gouvernement Harper de reconnaître la nation québécoise, vous me permettrez, chers lecteurs, d'émettre mes réserves quant à une telle initiative et quelle aurait été l’avenue la plus inclusive pour tous.

En premier lieu, il est important de définir ce qu’est une nation. Selon le dictionnaire, une nation est « un groupement humain important établi généralement sur un même territoire, partageant un sentiment d'appartenance, de même que des liens historiques, linguistiques, culturels ou religieux plus ou moins communs ». Il est maintenant temps de reprendre chaque terme de la définition et d’établir sa portée.

Un groupement humain important
Qu’est-ce que signifie un groupement humain important? Est-ce selon le nombre ou selon l’importance relative du groupe par rapport à un autre? Ce terme n’est pas clair. D’une manière ou d’une autre, on peut s’entendre que les gens qui habitent la province de Québec sont un groupement humain important… tout comme ceux qui habitent en Ontario, ou même l’ensemble des Canadiens (ce qui inclut le Québec). Bref, nous n’avons pas assez de suffisance avec ces termes.

Établi généralement sur un même territoire
La grosse majorité des Québécois sont établis sur le territoire du Québec. La grosse majorité des Canadiens (ou même des Canadiens-Français) sont établis au Canada. Là encore, nous ne progressons pas beaucoup.

Partageant un sentiment d’appartenance
Est-ce tout les habitants du Québec qui se disent Québécois? La réponse est non. Selon divers sondages, entre 20 et 25% des habitants de la province de Québec se définissent comme étant seulement Québécois. À l’opposé entre 20 et 25% des Québécois se définissent comme étant seulement Canadien (et j’en fais partie). La balance, ce sont des combinaisons entre les deux. Alors le sentiment d’appartenance au Québec fait franchement défaut. Il fait encore plus défaut quand on pense qu’en Écosse, c’est de 60 à 70% de la population qui se dit seulement Écossais, et environ 8% des gens qui se définissent exclusivement Britanniques. En Catalogne, c’est essentiellement les mêmes proportions (vis-à-vis l’Espagne). En revanche, le sentiment d’appartenance Canadienne-Française a déjà existé, jusqu’environ aux années 60, là où les Québécois francophones ont décidé qu’ils avaient le monopole de la langue française en Amérique. Cette prétention est évidemment fausse. Même au Canada, le Québec n’est pas le seul endroit où il se parle français. Pensons à l’Acadie (et au fait que 33% des habitants du Nouveau-Brunswick sont francophones). Pensons à l’est de l’Ontario, pensons à plusieurs endroits au Manitoba où il se parle le français. Nous pourrions également énumérer les autres endroits d’Amérique où il se parle français mais, mis à part les francophones de l’état de New York et les Louisianais, ces présences françaises ne sont pas liées à l’histoire du Canada. En somme, s’il est vrai que l’union fait la force, les Québécois francophones ont tout avantage à se rallier aux francophones de partout au Canada pour parler d’une voix plus solidaire. Ces francophones ont également le sentiment d’être liés aux Québécois francophones, et plusieurs Québécois francophones se sentent liés à la francophonie canadienne. En fait, les seuls Québécois francophones qui nient ce lien sont les porte-parole de la race arienne québécoise. Nous pouvons donc conclure entre un sentiment d’appartenance entre les Canadiens-Français.

Des liens historiques plus ou moins communs
Il est vrai que chaque province a son histoire propre, à son échelle. Or, depuis 1867, il est également vrai que l’ensemble des Canadiens partagent une histoire en commun. En fait, on devrait considérer que l’ensemble des Canadiens partagent la même histoire depuis 1759 (date de la défaite française sur les Plaines d’Abraham) ou alors depuis l’Acte de Paris de 1763. De là est née une cohabitation entre les deux peuples. Sinon, notons que le résultat de la colonisation française se trouve à être l’ensemble des francophones du Canada (et également ceux qui ont immigrés vers les États-Unis. Dans ce dernier cas, il est vrai que leur appartenance à la nation Canadienne-Française, aujourd’hui, est beaucoup plus discutable). Les Acadiens ont bien un pan de leur histoire que nous n’avons pas (c’est-à-dire, la déportation), mais les Québécois francophones ont les mêmes ancêtres que les Acadiens (et les francophones des autres provinces). Il est donc incontestable que l’ensemble des Canadiens-Français entretiennent des liens historiques.

Des liens linguistiques plus ou moins communs
Quand on sait que 25% des Québécois ne sont pas francophones, c’est ambitionner fortement que d’oser prétendre l’existence d’une nation Québécoise, en sous-entendant que celle-ci est nécessairement francophone. Dans le cas contraire, si on décide que les Québécois sont soit anglophones, soit francophones, alors pourquoi ne pas parler plus simplement de la nation canadienne? En disant ça, je viens de donner de l’urticaire à tous les adhérents du pendant québécois francophones des WASP. En revanche, la quasi-totalité des Canadiens-Français parlent français. Le lien linguistique est donc respecté dans ce dernier cas.

Des liens culturels plus ou moins communs
La langue va souvent de pair avec la culture, c’est bien connu. Parlons-en de culture. En ayant en tête le livre « Les 36 cordes sensibles des Québécois » de Jacques Bouchard, on s’aperçoit que les grandes racines des Québécois sont : la racine française , la racine catholique, la nord-américaine, la latine, la terrienne et la minoritaire. Bien sûr, ce livre met en contexte les francophones du Québec, mais en extrapolant, on s’aperçoit vite que les mêmes racines s’appliquent à l’ensemble des Canadiens-Français!

Toujours dans le domaine culturel, force est de reconnaître la production culturelle québécoise francophone. Or, ce serait faire preuve d’un chauvinisme éhonté en mettant de côté les productions des autres artistes de la francophonie canadienne (comme Wilfred, Roch Voisine, Marie-Jo Thériault, Edith Butler, etc.) ou faire comme Guy A. Lepage à « Tout le monde en parle » et de les assimiler comme Québécois, comme ce fut le cas avec la chanteuse franco-ontarienne Véronique Dicaire. Entre parenthèse, rappelons-nous de Guy A. Lepage est justement un de ceux qui croient que le Québec a le monopole du français en Amérique, aussi massacrée peut-il parler sa langue maternelle.

Des liens religieux plus ou moins communs
Depuis les années 60, le Canada comme le Québec a subi une laïcisation importante de ses institutions, tout comme l’Église a perdu de son influence sur la gouvernance. Cependant, il n’en reste pas moins que 88% des Québécois sont catholiques romains, pratiquants ou pas. Chez les francophones du Québec, la proportion est beaucoup plus importante. En fait, la quasi-totalité des Canadiens-Français sont catholiques romains. Là encore, par simple constatation, nous nous apercevons que l’ensemble des Canadiens-Français ont des liens religieux très communs.

En résumé, j’estime que le geste de Stephen Harper était essentiellement électoraliste. Il n’y a pas à s’étonner, encore une fois, du mécontentement des francophones des autres provinces (et ce n’est pas la première fois que les francophones hors-Québec n’endossent pas l’attitude des nationalistes Québécocentristes) comme il est souligné dans cet article : http://www.cyberpresse.ca/article/20061128/CPACTUALITES/61128210/5032/CPACTUALITES". Je comprends également l’indignation de Denise Melançon de Charlottetown qui estime que la dite motion : « devrait inclure tout le Canada français et m’inclure aussi, en tant que francophone de l’Île-du-Prince-Édouard ». À cet effet, voir le tableau que vous trouverez http://www.cyberpresse.ca/article/20061129/CPACTUALITES/611290714/1019/CPACTUALITES.

Je ne peux qu’être d’accord. Comme il a été démontré dans le présent texte, LE QUÉBEC N’EST PAS UNE NATION. Les Québécois francophones doivent s’identifier à la nation Canadienne-française, laquelle son existence est incontestable. Bref, plutôt que de s’adonner au narcissisme à outrance, j’appelle tous les francophones du Québec à renouer les liens avec la francophonie canadienne en entier et leur être solidaires, tout comme ils seront à nos côtés lors d’éventuelles négociations constitutionnelles à venir.